Marceline Loridan-Ivens : Mais, que vous a fait Israël ?

Point de vue, par Marceline Loridan-Ivens, cinéaste

LEMONDE.FR | 10.06.10 | 14h15 Mis à jour le 10.06.10 | 14h19

Quel est ce choeur unanime de condamnations contre Israël ?
Quel est cet ensemble vertueux qui désigne Israël comme le coupable absolu ?
Quel est ce tribunal planétaire où pas une voix ne manque pour désigner à la vindicte publique le responsable de tous les maux de la planète ?
Il y aura même eu un imam iranien pour affirmer que l'éruption du volcan islandais était la punition divine des crimes du "régime sioniste".

De Dominique de Villepin à Noam Chomsky, tous se sont précipités dans les télévisions pour dénoncer "l'incroyable crime" commis par les soldats israéliens !
Trop de bonne conscience tue la conscience. Trop, c'est trop ! Qu'est-ce que nous dit cet accablement ?

Qu'il y aurait un Etat de trop sur la terre ?
Non, bien sûr ! Israël possède de nombreux amis qui lui écrivent des lettres d'amour, pleines de conseils en forme d'épitaphe. Il y a même une célèbre journaliste américaine qui conseille aux Israéliens de rentrer "chez eux". Chez eux ? En Pologne, en Russie, en Algérie ! Pourquoi pas à Auschwitz tant qu'on y est !

Tant de sollicitude touche la vieille dame juive que je suis. Je crois que tous les Israéliens doivent être contents du constant intérêt qu'on leur témoigne et tous les juifs sont heureux de cette empathie sans cesse renouvelée.
J'avais fait, il y a longtemps, le choix de la pensée universelle. Bien que je fus déportée parce que j'étais juive, j'ai cru que l'humanité, l'idée d'humanité, était plus forte que la charge des origines.
Près de soixante ans plus tard, dois-je faire le constat de mon erreur ?
Dois-je constater qu'être juif vous désigne jusqu'à la fin des temps comme le coupable des nations ?
De quoi Israël est-il coupable ?

IL Y A UNE HAINE QUI N'ANNONCE RIEN DE BON

Même si la politique de son gouvernement est critiquable, est-ce de cela dont il est question ?
Est-ce vraiment parce que cette opération militaire a été conduite et s'est mal terminée
qu'il faille désigner ces soldats israéliens comme d'horribles assassins face à des agneaux turcs ?
Pourquoi une telle mauvaise foi planétaire ?
Pourquoi cette bonne conscience européenne à vil prix ?
Pourquoi est-ce de l'Europe que fusent les critiques les plus virulentes ?
De quelle morale cette Europe peut-elle se prévaloir ?
Quelles bonnes grâces veut-elle s'attirer ?

Et puis il y a la gauche, ma famille politique !
Qu'est-ce que c'est que ces alliances, ces rencontres avec ces fanatiques qui crient "Israël partira, Palestine vaincra !"
Quels sont ces supposés trotskystes qui font cortège commun avec ceux qui font la prière en pleine rue !
La gauche a-t-elle perdu la tête ?
Croit-elle vraiment que le Hamas va émanciper les classes laborieuses comme on disait jadis ?
Croit-elle vraiment que l'islamisme défend la liberté de conscience ?
Croit-elle vraiment que dans les banlieues la haine des juifs fait partie des contradictions admissibles au sein du peuple ?

Il y a de la folie dans le moment présent.
Il y a une haine qui ne dit rien de bon, qui n'annonce rien de bon
et je crains que la tolérance planétaire à l'égard de ce président iranien ne ressemble à l'accueil tolérant qui fut fait à Goebbels à la SDN en 1938.
Combien de temps reste-t-il avant d'autres horreurs programmées ?
Des larmes compassionnelles, les juifs et les Israéliens n'ont que faire.
C'est pour cette raison qu'ils ont créé Israël. Est-ce cela qui vous dérange tant ?

Numéro tatoué sur le bras gauche à Auschwitz-Birkenau : 78750

Marceline Loridan-Ivens, cinéaste


Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !