« Les Israéliens se sentent comme dans une forteresse assiégée »

Par Ilan Greilsammer, écrivain et professeur à l'université Bar-Ilan de Tel-Aviv, Spécialiste de sciences politiques Ilan Greilsammer analyse le contrecoup sur la société israélienne du fiasco militaire et diplomatique de dimanche.

Libération, jeudi 3 juin 2010

Comment réagit l'opinion ?

Il s'agit clairement d'une opération mal menée de bout en bout, et les Israéliens dans leur grande majorité le reconnaissent. Les services de renseignements étaient mal informés de ce qui se préparait sur ces bateaux, et les responsables militaires, comme le gouvernement, estimaient qu'il serait facile de les arraisonner. C'était une erreur funeste, mais il n'y avait aucune volonté de tuer.

Dans leur grande masse, les Israéliens ne remettent pas en question le principe même d'une telle intervention, mais la façon dont elle a été menée. Alors qu'en revanche le reste du monde récuse le fait d'avoir intercepté la flotille.

Les Israéliens s'inquiètent-ils de la dégradation de l'image de leur pays ?

Il y a le sentiment, parmi une très grande majorité d'lsraéliens que, quoi qu'ils fassent, ils seront condamnés par la communauté internationale. C'est un sentiment très dangereux : plus les Israéliens - l'homme de la rue comme l'homme politique - penseront qu'Israël sera condamné dans toutes les hypothèses, plus ils seront tentés de faire n'importe quoi. Ils se sentent comme dans une forteresse assiégée.

Même pour des intellectuels de gauche, pour des gens engagés dans la bataille pour la paix, il devient difficile voire impossible de parler dans certains campus ou colloques en Europe. La haine générale de l`Etat d'Israël, attisée aussi par les médias, est bien différente de ce qu'est la critique, même très dure, de telle ou telle politique.

Est-ce qu'il y a une remise en cause du blocus de Gaza ?

Certains Israéliens pensent que le blocus ne sert à rien. D'autres, plus nombreux, estiment qu'il serait suffisant d'effectuer des contrôles en mer sur les bateaux qui se rendent à Gaza pour vérifier qu'ils ne transportent pas de matériel militaire. La grande majorité, comme les principaux partis, souhaite que le blocus soit maintenu. Ce qui s'est passé nous oblige en tout cas à repenser l'idée d'un tel blocus, mais aussi à nous interroger sur des discussions avec le Hamas. L'hostilité de l'opinion a une telle éventualité s'explique aussi par le drame du soldat Gilad Shalit, enlevé en territoire israélien et tenu en otage depuis quatre ans sans que l'on sache rien ou presque sur son sort. Ses parents avaient demandé aux responsables humanitaires de la flottille de porter une lettre ; ils avaient refusé.

Les Israéliens veulent-ils une commission d'enquête sur ce qui s'est passé ?

Le quotidien Maariv publiait hier un sondage montrant que 46,7% des personnes interrogées sont favorables à une enquête contre 51,6% qui la jugent inutile. La question est de savoir qui va la mener. Les Israéliens ne veulent pas d'une commission d'enquête internationale. Ils ne font pas confiance à des institutions telles que le Conseil pour les droits de l'homme de l'ONU, devenu l'arène de pays aussi peu recommandables que l'Iran ou la Libye et qui avait commissionné le rapport Goldstone sur l'opération « Plomb durci » à Gaza. Il est évident par ailleurs qu'on ne peut se contenter d'une enquête menée par l'armée. Mais il y a, en Israël, suffisamment de personnalités crédibles pour mener une telle enquête, et des institutions telles la Cour suprême, considérée comme un modèle d'indépendance.

Recueilli par M.S.


Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !