Dessin de Marc Chagall pour la revue Khaliastra, n°2, Paris, 1924, Edition française Lydie Lachenal, Lachenal & Ritter, 1989.
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Thierry Menissier____________________________
Sidney Cohen____________________________
Batia Baum____________________________
Bernard Vaisbrot____________________________
Claire Le Foll____________________________
Claude Sahel____________________________
Marc Chagall du Shtetl à Paris
Rencontre mercredi 9 novembre 2011, de 9h30 à 17h30
à l'université Pierre Mendès France
Maison des Sciences de l'Homme - Alpes, 1221 Avenue Centrale, Domaine Universitaire, Saint Martin d'Hères.
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Matin
Après midi
Cette rencontre est organisée à l'initiative du
Cercle Bernard Lazare - Grenoble,
en partenariat avec le B'naï B'rith - Grenoble,
avec le concours de l'Université Pierre Mendès France
et le soutien de la Région Rhône-Alpes
« Chagall et l'avant-garde russe » : l'exposition du printemps 2011 au Musée de Grenoble a souligné l'immersion du jeune artiste dans la vie et l'art russes du début du XXème siècle, en même temps que la singularité de l'homme né dans le faubourg juif de Vitebsk, sa ville réelle, sa ville rêvée pendant quatre ans, depuis Paris, puis retrouvée, par temps de Guerre, et de Révolution d'Octobre, de 1914 à 1920. Dans sa ville natale, « dans le ciel et sur la terre de Vitebsk » , écrira-t-il, il travaille avec enthousiasme « dans cet élan révolutionnaire qui me semblait propice au flamboiement d'un art nouveau ». Commissaire aux Beaux-Arts et directeur de l'Académie des Beaux-Arts à Vitebsk, il fait descendre l'art dans la rue, il lui fait conquérir tous les espaces de vie et de rêve, sur les murs et dans le ciel. C'est un dialogue passionné avec son temps, avec les artistes dont il s'entoure ou qui le rejoignent.
Si Chagall célèbre, dans l'une de ses lettres de Vitebsk, « l'art révolutionnaire aux colossales et multiples dimensions », son oeuvre ne renie rien de la tradition juive dont elle porte l'empreinte profonde. Elle y puise ses racines, son inspiration, son énergie vitale, sa liberté magique. Le Shtetl, bourgade traditionnelle juive d'Europe de l'Est, avait été le creuset de toute une culture, religieuse, spirituelle, intellectuelle, artistique, politique. Les Juifs, lorsqu'ils se mettent en marche, l'emportent en viatique dans leur besace ou dans leurs regards ouverts vers le grand monde où ils s'élancent. Ces juifs en route, à grandes enjambées, et qui prennent littéralement leur envol au-dessus de Vitebsk, ces juifs en apesanteur ont une formidable énergie. Ils franchissent dans leur grand écart, tel ce jeune homme au pantalon à carreaux, l'espace ouvert d'un monde ancien vers un monde nouveau, lanceurs de ponts, « en avant, en avant, sans arrêt ». Chagall racontait que son grand père montait sur le toit de la maison familiale pour observer le monde ! Tout le microcosme du Vitebsk juif est là désormais dans l'oeuvre de Chagall, femmes et hommes, violoneux, porteurs d'eau, amoureux en bleu, en vert, en rose, balayeurs des rues, chèvres et vaches, qui n'ont rien oublié des lettres ni de l'esprit de la langue yiddish, et suivent le chemin du grand père de Chagall.
Ce microcosme est ouvert à l'Occident, il est à la fois l'une des sources et la métaphore du grand élan de modernité de ces débuts du XXème siècle.
Un amphi plein.
Un grand merci à l'université Pierre Mendès France
Des interventions passionnantes : car on croit connaître Chagall, un peu, beaucoup... mais il n'en est rien !
La figure, la peinture figurative, dans le tourbillon des courants artistiques européens, cubisme, suprématisme...
La lettre, qui refait apparition dans la peinture, la lettre, support de la langue, la langue yiddish, toujours entre deux, ni allemand ni hébreu, toujours mouvante, toujours entre-deux, comme le peuple Juif en dispersion... selon la superbe explication de Batia Baum,
à la fois amoureuse et connaisseuse, superbe traductice de cette langue, nous lisant un texte de Peretz du début du XXème siècle
qui posait la question de la place de l'artiste juif dans la modernité
Justement, nous explique Claude Sahel, il n'existe pas d'école artistique juive proprement dite.
Il ne suffit pas non plus qu'un artiste soit Juif ou que le sujet de l'oeuvre soit juif pour que l'on puisse parler d'art juif.
Toutefois, il existe un art spécifiquement juif, dérivant précisément du deuxième commandement, de l'interdiction de la représentation de la création, et de cette spécificité juive de la discussion, de la remise en question : c'est l'art de la micrographie juive, qui s'épanouit dans les commentaires, dans l'écriture, plus précisément à l'intérieur des lettres, où des représentations très élaborées, animaux, scènes... sont exécutées en remplaçant le dessin, proscrit, par des tracés réalisés sous formes de textes microscopiques, ce qui est permis,... c'est du texte !
Et Chagall, dans tout cela ? Et bien, souvent on ne comprend pas Chagall, on le traite de naïf, ou de farfelu, alors qu'il illustre à la lettre, si on peut dire, des aphorismes ou des proverbes de sa langue. Tel ce tableau représentant un artiste aux sept doigts : Qu'est-ce que cette lubie ?
Un proverbe yiddish affirme que si l'on veut aboutir dans son entreprise, il faut utiliser les sept doigts de la main,
c'est-à-dire les moyens rationnels fournis par les cinq doigts en y ajoutant les moyens irrationnels, les deux doigt supplémentaires.
Chagall, répétons-le, illustre à la lettre !
Comprendre Chagall ? Oui, mais il faudrait apprendre le yiddish !
Brèves
Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient,
et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur
de la synagogue, le vieux Moïché.
Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché
pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise,
et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !