Projection du film de Kamal Hachkar
Tinghir - Jérusalem, les échos du Mellah

Le jeudi 11 octobre 2012 à 19 heures à AMAL.
57 avenue Maréchal Randon, Grenoble, Tram B, arrêt "Notre-Dame"
ENTREE LIBRE
Renseignements au 04 76 44 71 14 ou amal38@gmail.com

Texte et image élaborés par AMAL

AMAL et le Cercle Bernard Lazare-Grenoble ont le plaisir de vous inviter
le jeudi 11 octobre 2012 à 19h à AMAL à la projection débat du film documentaire
« Tinghir-Jérusalem : les échos du Mellah » en présence du réalisateur.

Cette soirée débutera en musique avec une introduction musicale arabo-andalouse par le groupe d'Amal.

echos du mellah


Ce documentaire nous emmènera à la croisée des cultures en suivant le destin de la communauté juive ayant quitté le petit village de Tinghir entre les années 1950 et 1970.
Le réalisateur, Kamal Hachkar, un passionné des cultures juive et arabe explore les mémoires plurielles de Tinghir.
« Enfant, j’ai grandi dans l’idée que tous les berbères étaient musulmans. C’est au travers des récits de mes grands-parents sur l’histoire de ma ville natale Tinghir que j’ai découvert que d’autres berbères étaient juifs et que la ville avait abrité une importante communauté juive ».


Du Maroc à la France en passant par Israël, ce film part à la recherche de ceux qui, à Tinghir, ont connu cette présence juive, ainsi que des Juifs de la ville installés majoritairement en Israël aujourd’hui.
Regards singuliers et précieux, qui mêlent passé et présent, mémoire collective et individuelle. Il s’agit par cette évocation d’un monde disparu d’exhumer une part enfouie de la mémoire et de l’identité marocaine.

Les thèmes abordés (Identité en rapport à la terre de naissance, le Savoir vivre Ensemble, La place de la Religion) sont encore d'actualité chez nous en France et ce double regard nous permettra de poser des parallèles évidents.
Naître en France suffit-il pour être français ? Qu'est ce donc d'être français lorsqu'on est issu d'une autre culture, d'une religion différente de la masse ? Quel lien doit on porter avec la terre de nos ancêtres ? Autant de questions au sujet desquelles nous vous proposons de débattre.

Vous attendant nombreux, l'équipe d'Amal et le CBL-Grenoble

Article de Jean Caune

reproduit ici avec son aimable autorisation

Les Échos du Mellah, Tinghir - Jérusalem : Le sens est dans le trait d’union

Le film de Kamal Hachkar démarre comme un road movie. La caméra par un long travelling nous projette dans un paysage de montagnes qui se découpent à l’arrière plan ; elle cadre, au premier plan Kamal, au volant de sa voiture, lunettes de soleil pour se protéger d’une lumière éclatante. Concentré sur sa conduite, il confie qu’il n’a jamais cessé dans son enfance de voyager entre la France et le Maroc. Le voyage du spectateur peut alors commencer. Il nous conduira du Maroc en Israël par une série d’allers-retours où les interlocuteurs de Kamal viendront (re)tisser un lien qui a été rompu. Le film par ces paroles qui résonnent entre elles, et se répondent, devient un voyage dans l’espace et le temps de la mémoire et de l’imaginaire.

Voyage dans l’espace mental des habitants juifs de Tinghir, village dans la vallée de Todra, dans l’Atlas du sud, qu’ils ont quitté au début des années soixante, pour se retrouver en Israël. Voyage de Kamal, pour aller rechercher auprès de leurs voisins musulmans de Tinghir la mémoire de leur présence. Voyage en Israël pour recueillir ce qui demeurera à jamais dans leur cœur ; recueillir également ce que les parents de Kamal venus en France avec leur fils, âgé de six mois, lui ont transmis. Ce dernier n’est donc pas seulement l’auteur du film et le narrateur, il en est aussi le protagoniste qui retisse les liens entre ceux qui sont restés et ceux qui sont partis. Le trait d’union qui se dessine est fait de paroles échangées, de souvenirs évoqués, de mélodies qui continuent de résonner. Ces traces vivantes font revivre des photos prises à l’époque de la cohabitation et au moment du départ, photos qui sans ces paroles finiraient dans l’oubli des albums, en haut des étagères où ils ont été déposés. C’est cet espace parcouru par Kamal qui relie temps passé, présent et futur. L’espace ici naît du temps.

Voyage dans le temps. Le temps de la cohabitation ancestrale et amicale entre des berbères juifs et des berbères musulmans ; le temps de ceux qui sont restés dans leur village natal et le temps de ceux qui continuent, en France ou en Israël, de rêver à ce même village natal. Le temps aussi d’une mémoire partagée entre ceux qui croient en Allah et ceux qui croient au récit de la Torah. L’espace qui les sépare se comble par ces paroles recueillies qui restaurent le temps passé.

L’espace et temps sont reconquis par la quête et l’enquête de Kamal. Cette quête n’est pas celle de “racines” — pour utiliser une métaphore usée qui risque de devenir cliché : une personne n’est pas un arbre, elle peut être déplacée sans mourir. Cette quête est la recherche d’une partie de Soi, élément d’une identité plurielle qui se construit précisément dans cette démarche. Enquête où le narrateur est aussi celui qui est parti recueillir les paroles de ceux qu’il recherche.

Les Échos du Mellah est surtout un récit choral. C’est là que se trouve le charme et la force de ce kaléidoscope de témoignages qui reconstituent une réalité complexe et plurielle. Celle-ci se donne à voir et à entendre par la médiation d’un travail de cinéaste et l’expression d’une sensibilité. Ce récit est tissé par une trame, la relation au lieu de l’enfance et une chaîne, la recherche de ce qui n’est plus mais demeure néanmoins présent dans la mémoire. Récit qui évoque le paradis perdu : celui de l’enfance et de langue maternelle, le berbère . Récit qui fait renaître un monde disparu : celui du voisinage dans un espace de vie fait de respect, d’échange mais aussi de différenciation et de distance où chacun savait qui il était. Paradis perdu et monde disparu, par la médiation du récit cinématographique qui conjugue l’espace et le temps, deviennent les éléments d’un imaginaire collectif.

Pour restituer ces deux domaines perdu et disparu ; pour recueillir l’écho qui en témoigne, il fallait disposer d’une attention, d’une écoute, d’une sensibilité : celles du narrateur-enquêteur-réalisateur qui sait prendre le temps de laisser les choses advenir pour que jaillisse l’inattendu. Comme dans cette longue séquence centrale où à la recherche du témoignage d’une femme née à Tinghir et installée en Israël, Kamal fait advenir la parole d’une voisine d’origine marocaine, qui, dans un premier temps méfiante devant cet inconnu qui frappe à sa porte, hésite à lui ouvrir. Cette voisine durant les deux cents mètres qui séparent son domicile de celui de sa voisine va exprimer un des plus beaux témoignages sur le rapport à la terre : celle-ci n’appartient à personne ou plutôt à tous ceux qui y vivent.

Cette (en)quête joue avec les deux grandes figures du récit : le déplacement et la condensation. Le déplacement, par exemple, effectué par une chanson de Shlomo Bar, ce grand chanteur israélien, né à Tinghir, dont une chanson est chantée devant la caméra par un jeune lycéen, filmé avec ses camarades à la sortie du collège de Tinghir, chanson qu’il a apprise au contact de juifs de Tinghir revenus au village natal pour montrer à leurs enfants d’où ils viennent. La présence et la voix de Shlomo apparaissent, en résonance, à la fin du film dans une interview, chez lui en Israël, où il chante cette superbe chanson sur la vallée de la Todra qui accueille et protège la ville de Tinghir. Le trait d’union est ici encore ce qui court et demeure dans la mémoire.

La condensation est celle qui se produit avec ces trois portraits de femme, de grand-mères, celle de Kamal qui vit à Tinghir, celle de la voisine, en Israël, qui accompagne Kamal dans sa recherche d’une femme partie il y plus de cinquante ans. Ces figures se juxtaposent et entrent en résonance. Le récit de ces expériences humaines restituées par le film fait advenir le temps de la mémoire. La condensation est également celle que réussit le film en mêlant les deux types de récit dont parle Walter Benjamin dans un de ses plus beaux textes Le narrateur. Pour Benjamin, l’art du récit, comme « faculté d’échanger des expériences », se présente sous deux figures archaïques distinctes qui s’interpénètrent souvent : le récit du laboureur sédentaire et le récit du navigateur commerçant. Le premier témoigne de la connaissance du passé, le second de la connaissance des contrées lointaines. En restituant des expériences humaines, Les échos du Mellah donnent une voix à ces deux grandes formes de la narration.

Et il n’est peut-être pas surprenant que ce qui sollicite aujourd’hui le désir de Kamal, dans un projet de film — qui est aussi un projet d’expérience — est de faire revenir à Tinghir ceux et celles qui sont partis pour faire leur vie ailleurs et de leur faire rencontrer les enfants de ceux qui sont restés. Ces juifs berbères et ces musulmans berbères, réunis pour un temps de l’échange et du partage, n’est-ce pas une manière de renouer ce trait d’union, celui qui relie Tinghir et Jérusalem ? C’est en ce sens que le film de Kamal est un film politique. Il témoigne comme le proclame la vielle femme qui guide Kamal vers l’appartement de sa voisine : « C’est pécher de s’entretuer pour la terre. La terre elle bougera pas, elle est à tout le monde ».

Jean Caune

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Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !