Elie Safran : Le point sur le conflit israélo-palestinien

Elie Safran est membre du Kibboutz Sassa, élu au Conseil National du Meretz

Article paru dans Cahiers Bernard Lazare, mensuel du Cercle Bernard Lazare (Paris), publié avec le concours du Centre National du Livre. n° 214, mai 2001.

Nombreux sont en Israël et dans le monde, ceux qui se demandent s'il existe une solution au conflit israélo-palestinien. Nous, les tenants de la gauche sioniste en Israël, n'avons pas de réponse claire. Il s'est créé [en Israël] un climat de défiance à l'encontre des Palestiniens et de leurs intentions depuis Camp David, où Ehoud Barak a mis sur la table des négociations des propositions qui semblaient jusqu'alors inconcevables pour le public israélien, entre autres :

  • des concessions d'une portée considérable sur Jérusalem - en fait, le partage de Jérusalem,
  • l'évacuation de la Vallée du Jourdain
  • et même la cession de territoires dans le Neguev en contrepartie de l'annexion de groupes d'implantations proches de la "ligne verte", en Rive Occidentale.

Même si ces concessions n'ont pas paru satisfaisantes aux Palestiniens, cela ne justifiait pas de leur part de rompre les négociations, de rejeter la proposition de Clinton et de relancer la guérilla. Et en particulier de revenir aux méthodes terroristes des voitures piégées en Israël et des tirs à l'arme automatique sur des agglomérations israéliennes. La reprise de la violence et du terrorisme par les Palestiniens a contribué de manière déterminante à la chute du gouvernement Barak et à l'élection d'Ariel Sharon au poste de Premier Ministre.

Et maintenant, que peut-on faire ? Il est évident qu'à un moment ou à un autre, les deux parties devront revenir à une négociation sérieuse, et le plus tôt sera le mieux. Mais cela ne semble pas possible dans le contexte de cette guerre d'usure qui fait chaque jour des victimes. C'est là que peut entrer en jeu la proposition jordano-égyptienne soumise à la mi-avril à Sharon et à Arafat et qui préconise des mesures immédiates en vue d'arrêter la violence et de rétablir la confiance, à savoir :

  • L'Autorité palestinienne s'efforcera de réduire et de stopper la violence. -
  • Israël lèvera progressivement le siège des villes palestiniennes et le bouclage imposé à la population des territoires. -
  • Israël arrêtera toute construction dans les implantations. -
  • Les deux parties reprendront la négociation.

L'essentiel de ces propositions était déjà inclus dans l'accord de Sharm el Sheikh d'octobre 2000, mais quelques heures après l'avoir signé, l'Autorité palestinienne avait repris sa guerre d'usure. Aujourd'hui, les Palestiniens déclarent accepter la proposition jordano-égyptienne mais c'est Sharon qui se montre réticent et exige des amendements.

En tant qu'Israélien, je considère que cette proposition est acceptable, et en particulier en ce qui concerne les implantations. La plateforme du gouvernement d'Union nationale stipule qu'Israël n'établira pas de nouvelles implantations dans les territoires occupés - mais poursuivra la construction dans les implantations existantes "selon les besoins de la croissance démographique". Il faut dénoncer cette supercherie. S'il s'agit de fournir des logements aux jeunes nés dans les implantations, il y a aujourd'hui dans les territoires des milliers d'appartements vides à leur disposition.

La vérité est qu'il s'agit d'encourager des Israéliens à venir s'installer dans les implantations existantes en leur accordant des avantages substantiels. Pire : il s'agit en fait de créer de nouvelles implantations sous couvert de développer les implantations existantes. La méthode est simple : soit une implantation appelée Beit-El, on crée un quartier nouveau, sur la colline voisine et on nomme Beit-El B, puis on construira Beit-El C sur la colline suivante, ainsi de suite. Toujours pour les besoins de la croissance naturelle, bien sûr.

La plupart des Israéliens savent que ces implantations établies au coeur du territoire palestinien, même d'une ville palestinienne dans le cas d'Hébron, compromettent gravement toute solution du conflit fondée sur la création, à côté d'Israël, d'un Etat palestinien viable, jouissant d'une continuité territoriale et d'une réserve de terrains à bâtir.

De leur point vue, les Palestiniens sont en droit considérer que la poursuite de la construction dans les implantations est un acte de violence israélienne contre eux, rendu possible par la puissance militaire de Tsahal. Ils s'estiment donc en droit de réagir par la violence, avec moyens dont ils disposent, y compris le terrorisme.

C'est pourquoi il est impossible de progresser vers la paix sans l'arrêt immédiat de la construction dans les implantations et sans l'acceptation de la proposition jordano-égyptienne comme base de la reprise des pourparlers.

Traduit de l'hébreu par Chmouel Engelmayer.

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Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !