Amos Oz : Un conflit, deux guerres

Libération, le lundi 08 avril 2002

Amos Oz est un essayiste et écrivain israélien.
Dernier roman traduit en français : «Une panthère dans la cave», (Calmann-Lévy, 1997).

A paraître en avril : «Seule la mer» (Gallimard).

Deux guerres israélo-palestiniennes font rage dans la région.

La première est la lutte de la nation palestinienne pour se libérer de l'occupation et pour son droit à un Etat indépendant. Toute personne honnête se doit de soutenir cette cause.

La seconde est menée par un Islam fanatique, depuis l'Iran jusqu'à Gaza et depuis le Liban jusqu'à Ramallah, afin de détruire Israël et pour chasser les juifs de leur terre. Toute personne honnête devrait abhorrer une telle cause.

Yasser Arafat et ses hommes mènent de front ces deux guerres en même temps, prétendant qu'elles n'en font qu'une ; les kamikazes, à l'évidence, ne font pas de différence. La plus grande part de la perplexité du monde à l'égard du Proche-Orient, la plus grande part de la confusion des Israéliens eux-mêmes se nourrissent du saut de l'une à l'autre guerre.

Des partisans sincères de la paix, en Israël et ailleurs, sont souvent conduits à des positions simplistes. Soit ils défendent l'occupation continue de la Cisjordanie et de Gaza au motif qu'Israël a été la cible d'une guerre sainte musulmane depuis sa fondation, ou, au contraire, diabolisent Israël au motif que seule l'occupation empêche une juste et durable paix.

Un autre argument simpliste autorise les Palestiniens à tuer des Israéliens sur la base de leur droit naturel à résister à l'occupation. Un contre-argument non moins simpliste autorise les Israéliens à opprimer tous les Palestiniens parce qu'un jihad a été décrété contre eux.

Ces deux guerres sont ici menées. L'une est juste ; la seconde est injuste et inutile.

Israël doit cesser la guerre dans les territoires palestiniens. Il doit commencer à renoncer à son occupation et à évacuer les colonies juives qui ont été délibérément implantées au coeur des terres palestiniennes. Ses frontières doivent être tracées, unilatéralement si besoin est, en suivant la logique démographique et la nécessité morale de renoncer à gouverner une population hostile.

Mais une fin de l'occupation entraînerait-elle la fin de la guerre sainte musulmane contre Israël ? Nul ne sait... Si le jihad cesse, les deux parties seraient en mesure de négocier une paix. Dans le cas contraire, nous devrons fermer et fortifier la frontière logique d'Israël, sa frontière démographique, et continuer à nous battre contre l'Islam fanatique.

Si, en dépit des visions simplistes, la fin de l'occupation n'entraîne pas la paix, nous n'aurons plus, du moins, à ne mener qu'une seule guerre. Non une guerre pour l'occupation totale de la Terre sainte mais une guerre pour notre droit à vivre dans un Etat juif souverain et libre sur une partie de cette terre. Une guerre juste, une guerre sans autre choix. Une guerre que nous gagnerons. Comme tout peuple qui s'est vu contraint de lutter pour ses foyers, sa liberté et sa vie.

(Traduit de l'anglais par Jean-Luc Allouche)


Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !