Assises pour la paix

Compte-rendu des assises du mouvement
Les Amis de la Paix Maintenant
Les Amis de Shalom Akhshav en hébreu

tenues le 23 janvier 2002 au Cercle Bernard Lazare - Paris

Coordonnées du mouvement "Shalom Akhshav" : Site internet Peacenow.org Adresse : PO Box 29828, Tel Aviv, Israël
Téléphone : 972 3 566 32 91, 972 2 566 06 48
Fax : 962 3 566 32 86

Le soutien à Shalom Akhshav (La Paix Maintenant) dont témoigne l'affluence de ce soir nous fait chaud au coeur, au moment ou les choses ne vont pas au mieux dans le conflit entre nous et les Palestiniens, devait déclarer Dan Bittan, venu tout exprès de Jérusalem représenter le mouvement à ces Assises.

Deux cents personnes se pressaient en effet mercredi 23 janvier dans les locaux du 10 rue Saint Claude, répondant à l'appel des Amis de Shalom Akhshav en France à définir ensemble nos projets et modes d'action.

Intervention de Dan Bittan

Shalom Akhshav, Jérusalem

  1. Quelle est la problématique du camp de la paix en Israël ?

    Sur le fond, l'équation n'a pas changé, pose Dan Bitan : soit deux Etats (l'un juif, l'autre palestinien) s'élèveront côte à côte, soit un Etat binational s'imposera de fait, avec une majorité palestinienne d'ici quinze ans.
    En tant que sionistes, nous ne pouvons qu'adhérer à la première solution ; celle de la droite, qui ne laisse se faire ni paix ni Etat palestinien, est celle de sionistes qui se suicident.
    La politique du gouvernement Sharon, dont certains Travaillistes, mène à la disparition de l'Etat juif, Etat à majorité juive. A moins d'expulser les Palestiniens de leurs territoires aussi bien que du nôtre, ce qui signifierait une autre fin du sionisme, mouvement d'indépendance nationale.
    La démocratie israélienne elle-même est en jeu. Elle traverse une phase assez dangereuse, comme on le voit avec la réforme entamée dans les manuels scolaires et les programmes d'histoire à l'Université ou l'évolution de Tsahal, dont les valeurs se perdent.
    Le mouvement Shalom Akhshav propose de revenir aux bases suivantes :
    • Deux Etats délimites par les frontières antérieures à la guerre des Six Jours, ou "Ligne verte", avec des rectifications mineures par échange réciproque (telles que définies lors des négociations de Taba);
    • Partage de souveraineté sur Jérusalem ;
    • Concessions de la part des Palestiniens sur le retour des réfugies à l'intérieur des frontières de l'Etat d'Israël.
  2. Pourquoi ces positions passent-elles aujourd'hui si difficilement ?


    Peut-être parce qu'Ehud Barak et Yasser Arafat ne sont pas parvenus à un accord, alors qu'on se croyait à un doigt de la paix. Dans ce contexte, l'Intifada d'El Aqsa a réveille les sentiments patriotiques et les vieilles craintes de la majeure partie de la population israélienne. La délégitimation croissante de l'Autorité palestinienne en est la conséquence.
    Le public israélien ne voit pas que son gouvernement n'a pas pour objectif politique la conclusion d'accords de paix et relance le cycle terreur-répression chaque fois que l'Autorité palestinienne impose une trêve aux mouvements terroristes. Une grande partie de la presse israélienne en est de plus en plus consciente et le dit ; mais quand un attentat comme celui de la rue Yaffo à Jérusalem est commis, il est difficile de se souvenir des quatre morts qui l'ont précédé côté palestinien. Chaque peuple ne compte que ses propres deuils.
    Sans pour autant quitter le gouvernement, Dalia Filosof-Rabin elle-même vient de déclarer que l'attentat de Hedera était lié à l'assassinat de Raed el-Karmi (après trois semaines sans actes de terreur).
    Mais comment faire passer dans l'opinion que le terrorisme n'est pas le seul fait des mouvements qui en font profession ? Il est aussi des actes de guerre qui servent un choix politique précis : n'arriver en aucun cas à une paix susceptible d'être acceptée par un dirigeant palestinien.
    Et bien que je n'éprouve guère de sympathie pour Arafat, qui n'est sans doute pas le meilleur adversaire avec qui faire la paix, il est le leader reconnu par les Palestiniens, donc celui avec qui traiter.
  3. La coalition pour la paix.

    Face à la coalition de fait pour la guerre, une coalition pour la paix se met en place entre Palestiniens et Israéliens. Les sondages affichent le même paradoxe dans les deux sociétés : 70% des Israéliens soutiennent la politique de force du gouvernement Sharon, 70 à 80% des Palestiniens soutiennent l'Intifada et pourtant, de chaque côté, une majorité s'affirme en faveur d'une solution négociée. Il appartient à la coalition pour la paix de s'en faire le ciment.

    Sur les deux versants de la Ligne verte, les deux camps de la paix travaillent différemment dans des sociétés différentes dont ils regroupent des segments différents, mais ils entretiennent un haut niveau de coopération.

    En Israël, le camp de la paix recouvre le Meretz, une partie du Parti travailliste autour de Yossi Beilin et Colette Avital, et certains responsables politiques ou militaires comme Ami Ayalon ont pris publiquement des positions proches des siennes.

    Ils coopèrent avec des intellectuels et hauts dirigeants de l'Autorité palestinienne comme Yasser Abed Rabo, ministre de l'Information, Zyad Abu Zayad, Hanane Ashraoui ou Sari Nusseibeh, l'actuel président de l'université Al-Quds de Jérusalem. Après que celui-ci ait publié en arabe dans la presse palestinienne un article prônant l'instauration, sur la base des frontières de 1967, d'un Etat palestinien aux côtés de l'Etat d'Israël avec Jérusalem-Est pour capitale et un statut particulier pour le Mont du Temple, moyennant la renonciation au droit des réfugiés au retour à l'intérieur de la Ligne verte, sans laquelle rien ne serait possible, sa position au sein de la société palestinienne n'a fait que se renforcer. En dépit de multiples attaques et de vifs débats dans la presse, il a reçu une semaine plus tard des mains mêmes d'Arafat le mandat de commissaire de l'O.L.P.à Jérusalem, en remplacement de Faycal Husseini ; il fait désormais partie, au même titre qu'Abu Mahzen son contradicteur, du premier cercle autour d'Arafat, ceux qui entrent dans "sa cuisine", comme l'on dit en Israël par analogie à celle de Golda Meir où se faisait et se défaisait la politique du pays; il compte, enfin, au nombre des six ou sept négociateurs en charge des pourparlers avec Israël.

    Un camp de la paix palestinien s'affirme ainsi aux côtés du camp israélien de la paix; ensemble, nous pouvons travailler dans les deux sociétés.

Débat

Q : Les articles critiques de la presse ne sont-ils pas en décalage paradoxal avec l'opinion publique ?
R : La presse a longtemps soutenu le gouvernement. Aujourd'hui, quelques éditorialistes disent la vérité, mais c'est un début.
Q : Yasser Abed Rabo et Sari Nusseibeh ne sont-ils pas deux intellectuels isolés ? Le camp de la paix ne se réduit-il pas à quelques individus ?
R : Il y a toutes sortes de problèmes dans la société palestinienne, qui n'est pas une démocratie, même à l'américaine. Pourtant l'espoir demeure que les choses bougent très vite, dans cette relation ambivalente d'aversion et fascination. Les chercheurs palestiniens nourrissent à l'égard d'Israël une grande admiration ; et il a suffi que la rencontre d'Oslo fasse surgir l'espoir pour voir les Palestiniens manifester en masse pour la paix. A Taba, nous étions parvenus à un accord à 90%, avant que tout ne retombe à Davos deux jours plus tard.
Q : Le camp de la paix, en Israël, ne se divise-t-il pas entre ceux qui ne croient plus aux chances des négociations, et ceux qui y croient encore ?
R : Le camp de la paix est surtout partagé entre ceux qui voudraient ne plus voir les Palestiniens et avaient voté Barak sur ces bases, et les autres. J'ignore comment on pourrait rendre à Arafat sa crédibilité, c'est à lui de le faire, mais il est aujourd'hui assiégé et l'actuel gouvernement israélien ne le laisserait pas même venir jusqu'aux studios israéliens de télévision pour y faire des propositions de paix.
Q : N'essaie-t-on pas parfois de tourner la difficulté en négociant avec d'autres ?
R : On peut négocier avec d'autres leaders palestiniens, Yossi Beilin le fait, mais il faut en dernière instance qu'Arafat signe, car il est celui que tous reconnaissent. Arafat n'a qu'une part de responsabilité dans l'échec des négociations de l'été dernier, l'autre revient à Barak. Quelles que soient ses capacités intellectuelles, il s'est montré très mauvais négociateur. En aucun cas il n'aurait dû aller à Camp David dans un tel état d'impréparation, avec une base d'accord portant sur 50% des points seulement. Les progrès enregistrés en cours de négociation se sont arrêtés à 90%, laissant des points d'achoppement encore moins franchissables à la lueur des projecteurs que dans le secret des cabinets. Sharon, lui aussi, a sa part de responsabilité, tout comme Shlomo Ben-Ami : le premier n'aurait pas dû aller sur le Mont du Temple ; le second, ne pas laisser la police l'accompagner en armes après que d'autres incidents aient montré qu'elle en ferait usage.
Q : L'Intifada d'El-Aqsa a-t-elle été une bonne réponse à la mauvaise gestion de Barak ?
R : L'Intifada est une mauvaise réponse, de l'aveu même de certains secteurs de la société palestinienne. Sari Nusseibeh, par exemple, propose de lui substituer la résistance passive. Mais ne pas riposter exige une grande force intérieure, le contrôle de mouvements divers, et une influence puissante sur les comportements individuels.
Q : La dépendance extrême de l'économie palestinienne par rapport à l'israélienne n'est-elle pas un facteur de blocage, poussant au désespoir et à la terreur ?
R : En effet, mais rien d'autre n'est possible. Même les infrastructures construites par l'Europe ont été détruites.
Q : N'y a-t-il pas eu une sous-estimation de l'extension des implantations, les Palestiniens se rendant finalement compte que leur Etat était morcelé ?
R : Oui, d'une certaine façon, tout le monde retenait son souffle en attendant la paix, qui semblait au coin de la rue. L'affrontement avec les colons était pour plus tard, lors du retrait... Cela dit, Shalom Akhshav dispose depuis longtemps d'un groupe de surveillance des implantations qui fait régulièrement le point, dresse des cartes, établit des statistiques démographiques. Le peu de soutien de l'opinion israélienne aux implantations constitue l'un des points faibles du gouvernement Sharon : peu d'Israéliens sont prêts à se battre pour rester à Naplouse ou même à Hébron, sans parler de Gaza. Il nous appartient d'en tenir compte en élaborant notre stratégie. Notre slogan est désormais : "Quittons ces Territoires qui nous corrompent."
Q : Dès lors que les Etats-Unis se refusent à jouer leur rôle, ne faut-il pas se battre pour qu'une force d'interposition vienne sur le terrain ?
R : Le laissez-faire des Etats-Unis et la faible puissance de l'Europe sur la scène internationale laissent le camp de la paix assez démuni. Alors, oui, nous réclamons la mise en place d'une force d'interposition.
Q : Quels sont vos modes d'action ? En envisagez-vous de nouveaux ?
R : Ecrire, écrire, écrire. Nous appelons tous les écrivains proches du camp de la paix, romanciers, essayistes ou journalistes à prendre la plume. Il faut créer un courant d'opinion, et renverser la tendance actuelle au repliement sur la méfiance et la peur. La coalition avec le camp palestinien de la paix joue de ce point de vue un rôle important : il s'agit de prouver aux Israéliens qu'il y a, par-delà l'ambivalence d'Arafat, des Palestiniens avec qui agir pour la paix. Les rencontres régulières entre intellectuels des deux peuples au New Imperial Hotel, le centre dont Sari Nusseibeh dispose en Vieille Ville, en sont un exemple : là s'élabore la "Campagne pour la paix des peuples israélien et palestinien".

Que faire en France ?

Cela fait vingt ans que nous menons dans la communauté des activités en faveur de la paix, rappelle David Chemla, ouvrant la seconde partie de ces Assises, que nous essayons de faire connaître Shalom Akhshav, de soutenir ses efforts et de les relayer ici. Sur la base de vos réponses au questionnaire que nous faisons circuler depuis quelques semaines, nous avons voulu ce soir partager nos réflexions et élaborer ensemble les actions à venir. Gérard Eizenberg, chaleureusement remercié d'animer à Paris la liste de courrier électronique des Amis de Shalom Akhshav, propose une synthèse des réponses aux questions lancées sur le réseau :

  • Qu'attendez-vous de Shalom Akhshav ?
  • Que pouvons-nous faire ici ?

Le taux de réponse témoigne à lui seul d'une forte attente : parmi les quatre cents personnes inscrites sur cette liste, une quarantaine ont répondu, souvent de façon précise et argumentée, et affirment combien elles se sentent concernées. On trouve dans ce courrier :

  • La demande d'une information plus large sur le Proche-Orient ;
  • Une volonté de visibilité dans les médias ;
  • La proposition de rencontres multiformes - avec les beurs et les instances musulmanes en France, avec d'autres mouvements, petits ou grands, au sein de la communauté.

Il s'agit, d'une manière générale, de faire converger les volontés.

Avant que le débat ne s'ouvre et comme à la charnière des mondes, un étudiant de Gaza, de passage en France après quelques mois de séminaire en Israël au sein d'un kibboutz, souhaite nous apporter le message de ses amis tant israéliens que palestiniens. Les premiers attendent aujourd'hui anxieusement de pouvoir vivre en sécurité, les seconds en paix et dans des conditions économiques décentes. S'il a choisi ce soir de participer à notre réunion, c'est que les manifestations de Shalom Akhshav, en 1982, ont été si déterminantes. Au nom de ses amis des deux côtés, il a voulu témoigner et nous encourager à agir.

Le débat s'engage ensuite suivant les trois axes cités :

  • l'information,
  • les médias,
  • les relations dans la communauté et en dehors.

Alors que Marc Lefevre évoque Internet comme moyen privilégié de faire circuler l'information, des témoignages et des débats, voire nos formulaires d'adhésion et demandes de cotisation, plusieurs propositions se font entendre visant à élargir notre réseau d'abonnés au courrier électronique de La Paix Maintenant : tout cela demande du travail mais peut se faire sans signatures célèbres, à la différence de la moindre mention dans la presse écrite. Il faut coordonner tout cela, fédérer les énergies.

Dov Puder s'interroge cependant : Voulons-nous seulement informer ? La communauté commet une erreur très grave en ne parlant qu'information et désinformation. Cela nous mène à ne jamais traiter des problèmes de la société française ainsi que Dan vient de le faire pour la société israélienne, où 25% de l'opinion publique a basculé après l'échec de Camp David alors qu'une majorité se dessinait jusque là en faveur d'une paix négociée. Le même phénomène s'est produit ici. L'urgence est de reconquérir une partie du public. Il nous faut atteindre le second cercle, l'ensemble de la mouvance humaniste, tous ceux qui veulent un accord de principe sans toujours savoir quels sont les points précis qu'il recouvre. Cela suppose de laisser parler les gens, pas seulement de répercuter l'information au sein d'une liste forcement limitée. Ecouter, c'est aussi faire de la politique, dit-il, insistant en conclusion sur la nécessité de lutter contre toute importation du conflit israélo-palestinien sur le terrain français.

Une bénévole d'Education sans frontières exprime la conviction partagée par un groupe femmes israéliennes et palestiniennes que c'est dans le monde de l'éducation qu'il importe d'agir. Il faut aider à faire savoir qu'une coopération s'est mise en place entre elles dans des centres ou de jeunes Arabes apprennent l'hébreu et vice-versa.

La journaliste à l'initiative de laquelle un groupe d'artistes juifs et arabes viennent de tenir une rencontre surmédiatisée, évoque cet événement qui fait la Une du jour. Des réactions parfois vives se font entendre dans l'assistance, préoccupée par le côté unilatéral des propos tenus. Annie Dayan, de longue date engagée dans le dialogue entre intellectuels juifs et arabes en France, estime qu'il faut, an préalable, exiger de ces derniers des prises de positions claires dans leur communauté : on n'incendie pas les synagogues !

Toujours au chapitre des relations intra- et extra-communautaires, elle nous propose de trouver un espace de parole au sein de la communauté juive, puis de travailler à faire entendre notre voix dans la société française : il nous revient d'informer l'ensemble de l'opinion française, et en particulier la gauche, que le camp de la paix israélien ne se réduit pas à quelques groupes radicaux.

Marc et David font en conclusion un appel à des contributions écrites, dans le souci d'apporter au débat d'idées communautaires et dans les médias une critique qui ne diabolise pas : Comme Dan le disait, il s'agit d'écrire, témoigner, dire et expliquer encore et encore. Ils annoncent, en parallèle avec l'élaboration de prises de position bientôt rendues publiques par Shalom Akhshav en Israël, la préparation ici d'un manifeste qui sera diffusé par courrier électronique (et classique en cas de besoin).

Site internet : Peacenow.org Adresse : PO Box 29828, Tel Aviv, Israël Téléphone : 972 3 566 32 91, 972 2 566 06 48 Fax : 962 3 566 32 86

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Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !