Concert en images : Regards vers l'Est, 3 octobre 2010

Image Sandrine
groupe

Récital réunissant trois chanteurs, une pianiste et un accordéoniste, avec vidéo-projection
Avec, de gauche à droite :

  • Hélène Weissenbacher, pianiste
  • Marie-Hélène Ruscher, mezzo-soprano
  • Pier-Yves Têtu, ténor et accordéoniste
  • Sandrine le Brun-Sénon, soprano et peintre

écouter l'enregistrement du récital

Avec des musiques de compositeurs russes (Chostakovitch, Stravinski, Rachmaninov), hongrois (Kodaly, Bartok), tchèque (Dvorak), avec des musiques traditionnelles klezmer, serbe, et des morceaux du répertoire pour accordéon de l'époque soviétique..., avec la vidéo-projection d'un mur d'images réalisé à partir d'une série de pastels de Sandrine Le Brun-Sénon, ces quatre artistes vous convient à un voyage dans les pays de l'Est, mêlant musique et images, musiques « savantes » et musiques populaires. A ce titre, l'oeuvre emblématique de ce concert est le cycle op. 79 de onze mélodies de Dmitri Chostakovitch « De la poésie populaire juive », directement inspiré par la musique klezmer.

Programme

  • Chostakovitch : De la poésie populaire juive : Onze mélodies op. 79
  • Ravel : Deux Chants hébraïques
  • Dvorak : extraits des Duos Moraves et des Chants Tziganes
  • Stravinski : Deux Chants Russes
  • Rachmaninov : Chanson géorgienne
  • Kodaly : extraits des Chants populaires hongrois
  • Bartok : extraits des Mikrokosmos (deux danses bulgares, vol.6), piano solo
  • Musiques traditionnelles klezmer à l'accordéon
  • Répertoire de l'époque soviétique pour accordéon

Durée : 1 h 05 sans entracte

A propos des Poésies populaires juives de Chostakovitch

par Christiane Weissenbacher, (musicologue, Université Marc Bloch, Strasbourg)

Les Poésies populaires juives opus 79 sont un cycle de onze mélodies composées par Chostakovitch au cours du printemps 1948 sur des traductions russes de poèmes populaires yiddish.

La date intrigue... On sait en effet qu'au printemps 1948, après la résolution du 10 février condamnant les compositeurs « formalistes », Chostakovitch perdit, avec son poste au Conservatoire, tout espoir d'être programmé ou édité. Cette époque est aussi le début de la vague d'arrestations qui, partie de l'assassinat du célèbre acteur yiddish Solomon Mikhoels le 12 janvier, allait décapiter toute l'intelligentsia juive dans les cinq années suivantes : 217 écrivains, 108 acteurs, 87 peintres, 19 musiciens, au total plus de 400 déportations ou exécutions - sans parler de la fermeture de toutes les institutions de langue yiddish : était-ce vraiment le moment de composer des « mélodies populaires juives » ?

Eh bien oui, justement ! Chostakovitch n'était pas juif, mais il comptait de nombreux amis parmi cette intelligentsia (comme Moisseï Vainberg, le gendre de Mikhoels), et il se sentait solidaire de ces opprimés parmi les opprimés qu'étaient les artistes juifs : pour la survie du corps, il écrivit de la musique alimentaire (musique de film, choeurs révolutionnaires, cantates officielles, ballets divertissants...) ; mais pour celle de l'âme, il composa des oeuvres inspirées de la musique ashkénaze - et soigneusement planquées jusqu'à la mort de Staline en 1953 : le concerto pour violon opus 77 dédié à David Oïstrakh, le 4ème quatuor opus 83, et ces Mélodies sur des poésies populaires juives opus 79, qui sont les pages les plus explicitement « juives » de toute l'oeuvre de Chostakovitch...

Déjà du fait des poèmes : il s'agit en effet de « chansons populaires juives » publiées en russe huit ans après une première parution en yiddish. La traduction russe révèle un zèle soviétique subtilement ironique : dans la Berceuse n° 3 par exemple, là où l'original yiddish dit « A sibirnik is dain tate » (ton père est en Sibérie), le russe traduit : « Твой отец в цепях в Си бири, держит царь его в тюрьме » (ton père est enchaîné en Sibérie, emprisonné par le tsar) ; et dans le final, au lieu d'un « clair soleil », c'est une « bonne étoile » qui brille sur la tête des cordonniers juifs...

Chostakovitch n'avait d'abord retenu que huit poèmes d'un pessimisme extrême (n°1 à 8), mais en octobre il en ajouta trois plus « optimistes » (n° 9 à 11), pensant qu'ainsi le tout pourrait passer pour une comparaison entre les Juifs malheureux sous les tsars et les Juifs bienheureux sous Staline...

Pour la musique, Chostakovitch choisit de solliciter trois voix dans toutes leurs combinaisons possibles : soprano seul dans 5 et 10, alto seul dans 3, ténor seul dans 7 et 9 ; soprano et alto dans 1 et 2, soprano et ténor dans 4, alto et ténor dans 6 ; le trio complet dans 8 et 11. L'accompagnement fut pensé simultanément pour piano et pour orchestre - même si la version avec orchestre ne fut créée (par Gennady Rojdestvenski) que neuf ans après celle pour piano (par le compositeur en 1955).

Les artistes

Sandrine Le Brun-Sénon, soprano et plasticienne

Après un prix de conservatoire en chant lyrique à Lyon, elle poursuit sa pratique vocale auprès de chanteurs et pédagogues tels que : Térésa Zylis-Gara, François Le Roux, Evelyne Brunner, Jean-Blaise Roch...

Elle obtient le premier prix au concours Franco-Allemand des jeunes chanteurs professionnels, le prix du jury au concours des jeux floraux de Grenoble, puis le prix de la mélodie contemporaine au concours international de chant de Mâcon.

Elle intègre l'ensemble de solistes des choeurs de Haute-Savoie sous la direction de Bernard Spizzi, avec une cinquantaine de récitals dans la région. Sa passion pour la voix l'entraine vers d'autres chemins : elle se forme au théâtre musical et burlesque avec Oleg Koudriachov, Ami Hattab, Haïm Isaac. Des compagnies (La Tokata cie, Kalia cie, Théâtre transformation...) lui proposent des rôles dans des créations, 12 spectacles et quelques 400 représentations en France, Angleterre, Ecosse et Québec.

Marie-Hélène Ruscher, mezzo-soprano

Attirée par des esthétiques diverses, son parcours de soliste s'oriente tout d'abord vers le jazz vocal. Elle poursuit sa carrière comme soliste d'oratorio avec notamment Michel Corboz, Bernard Têtu et les solistes de Lyon, intègre l'ensemble vocal "Séquence" dirigé par Laurent Gay et forme un duo avec la pianiste Nathalie Petit-Rivière depuis plus de 10 ans.

Elle est la chanteuse du spectacle "Ah vous dirais-je", qui connaît un rayonnement national. Professeur de chant titulaire du CA, elle enseigne actuellement au conservatoire à rayonnement régional de Chambéry Pays de Savoie, et participe à de nombreux projets locaux.

Pier-Yves Têtu, ténor et accordéoniste

Originaire d'Albertville (Savoie), il suit une formation musicale complète (chant, analyse, contrepoint, grégorien...) et est diplômé des conservatoires de Grenoble et de Nevers dans la classe de Paul Guigue. Il travaille la technique vocale au près de Vivianne Zlomke, et fait ses débuts de soliste ténor pour divers choeurs du bassin chambérien, puis rejoint la compagnie Opus à Voix, sous la direction de Pierre-Line Maire, ainsi que les Solistes du Choeur départemental de Haute-Savoie, sous la direction de Bernard Spizzi.

Il est sollicité par Michel Corboz pour une série de concerts autour de Rossini et Schubert à Tokyo avec l'EVL en 2008. Il a également chanté sous la direction de Jean-Marie Curti, Andreï Galanov, Claire Gibault, Celso Antunes... En tant que soliste, il participe principalement à des concerts d'oratorio (cantates, Messe en si m, Oratorio de Noël de J.S. Bach, Messe de minuit de Charpentier, Stabat Mater de D. Scarlatti, Messe en ut mineur de W.A. Mozart, Petite Messe Solennelle de G. Rossini, Messa di Gloria de G. Puccini), mais son répertoire comprend également de la mélodie (Lieder de Schubert, mélodies tziganes de Dvorak, Rachmaninov, Chostakovitch) et de l'opéra (Rita ou le mari battu de Donizetti, Don Giovanni, Carmen...).

Il se forme à l'accordéon (bayan) avec Denis Croisonnier, André Thépaz (Chevalier des Arts et Lettres) et Alexander Vladimirovitch Skljarov (concertiste décoré de l'Ordre de Grand Artiste de Russie). En 2007, il forme un duo inédit piano/accordéon avec François-René Duchâble dans le cadre d'un spectacle autour de Brahms. Musicien klezmer, il se produit notamment avec Michel Borzykowski et Claude Roux.

Hélène Weissenbacher, pianiste

Formée au CNR de Strasbourg dans les classes de Jean-Louis Haguenauer (piano), Armand Angster (musique de chambre) et René Schmitt (analyse), Hélène Weissenbacher se passionne très tôt pour la musique de chambre et l'accompagnement, qu'elle ira perfectionner au Conservatoire Supérieur de Musique de Genève, auprès de Jean-Jacques Balet. Elle a étudié également dans le cadres d'académies d'été auprès de Jean Fassina et de Bruno Canino, qui lui décerne en 2004 le prix Vicente Pelosi pour ses qualités de chambriste.

Elle partage actuellement son temps entre son poste d'enseignant-accompagnateur au Conservatoire National de Région d'Annecy-Pays de Savoie et une activité de musicienne éclectique : elle se produit dans le cadre de diverses formations instrumentales, dans le spectacle « la Voix de-ci de-là » avec les solistes de Lyon depuis 2003, dans le duo « la Vraie Nonique » (chanson) dont elle compose la musique...

haut de page

Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !