Promotion à l'Ordre National du Mérite

Edith Aberdam a été nommée Chevalier de l'Ordre National du Mérite.

La médaille de l'Ordre National du Mérite a été remise à Madame Edith Aberdam le lundi 1er juin 2015 par Maître Michel Bénichou, Ancien Bâtonnier, Premier Vice-Président du Conseil des Barreaux Européens, dans les salons de la Maison de l'International de la Ville de Grenoble, à l'invitation de Monsieur Eric Piolle, Maire de Grenoble, en présence de Monsieur Michel Destot, Député de l'Isère, et de nombreuses personnalités politiques et associatives

Discours de Maître Bénichou

Discours de remise des insignes de l'Ordre du Mérite à Madame Edith Aberdam, 1er juin 2015

Monsieur le Député,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les Hautes-personnalités,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Chère Edith,

Lorsque vous m’avez demandé d’être votre parrain dans l’Ordre National du Mérite, mon sentiment, tout entier joyeux, m’a fait saluer la chance que j’avais d’accomplir ce rite à la fois officiel et amical et de vous accompagner sur ce chemin.

La République, en la personne de Madame la Ministre VALLAUD BELKACEM, a décidé de vous honorer. Elle a bien fait.

Ce soir, nombreux sont ceux qui ont voulu vivre ce moment important avec vous, par amitié, par reconnaissance, ou simplement pour vous manifester le respect et l’admiration qu’ils vous portent. Ils ne s’exprimeront pas. Mais l’admiration n’est point forcément éloquente. On dit d’ailleurs être paralysé ou muet d’admiration.

Je suis également heureux d’être à vos côtés car, dans ce Panthéon vivant que constituent les plaques des rues des villes de France ou les promotions de l’Ordre National du Mérite ou de la Légion d’Honneur, combien de noms de femmes trouve-t-on ?

Sur un monument parisien (Le PANTHEON), on peut lire : « Aux grands Hommes la patrie reconnaissante ! ». Il n’en existe aucun consacré aux femmes.

Je dirai donc ce que chacun sait : Une grande femme peut être autre chose qu’une femme de haute taille et contre l’avis des académiciens, je donnerai donc un féminin à « grand homme ».

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Les règles de l’homélie veulent, pour mettre en exergue les qualités du récipiendaire, que je rappelle ses origines familiales, géographiques, intellectuelles, que je l’accompagne de l’école au lycée, puis du lycée aux études supérieures, enfin, que je décrive son ascension dans la voie qu’il a choisi et que j’indique aux participants toutes ses actions, toutes ses paroles et tous ses écrits.

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Comme souvent, cette cérémonie permettra à tous ceux qui sont présents, si cela est encore possible, de plus encore vous apprécier et de mieux vous connaitre.

Mais, cette cérémonie amicale doit permettre de sortir des règles classiques du discours de circonstance.

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Je veux néanmoins associer immédiatement à cette cérémonie ceux qui ont les titres les plus directs, inégalables, à conduire cette fête à vos côtés, votre famille. La reconnaissance de la République les enveloppe par leur chaleur.
Et d’abord Daniel, votre mari. Vous étiez en classe de propédeutique à l’Université de Nancy lorsqu’en 1959 vous rencontrez Daniel ABERDAM alors élève ingénieur à l’Ecole Nationale Supérieure de l’électricité et de mécanique.
Le mariage aura lieu en février 1961 à la maire de Saint-Max, une commune de l’agglomération nancéenne.
Daniel partira faire son service militaire puis, cherchant du travail, il arrivera à Grenoble comme chercheur au CNRS, travaillant dans l’équipe du Professeur DUCROS.
On m’a dit qu’il s’agissait de travailler sur les propriétés des surfaces des matériaux à l’aide de techniques nouvelles. Je n’entrerai pas dans la description de ces considérations scientifiques. Le juriste en est incapable.

En octobre 1964, vous vous installez donc à Grenoble dans un appartement voisin de la synagogue, Rue Maginot, qui abritera également les locaux de la « Jeunesse juive de Grenoble » ancêtre du Centre Culturel juif. Ce sera votre première adresse avant de rejoindre votre appartement actuel dans le cœur de la ville. Vous habitez Grenoble mais vous restez profondément liée à Nancy. Lorsque vous vous installez à Grenoble. Estelle est déjà née. Mais Eliane, Delphine et Yaël naitront cependant toutes à Nancy.

Ce soir, trois d’entre elles ne seront pas présentes pour entourer de leur affection leur mère. Elles sont loin de Grenoble (en Israël et aux Etats-Unis, …) mais je suis certain qu’en ce moment elles pensent à vous.
Delphine est présente, venue de FONTAINEBLEAU pour vivre cet instant avec vous.

Cet hommage permet aussi d’évoquer vos parents. Votre père, Armand ROSENTHAL était originaire de Nancy. Il était le directeur de l’Institut dentaire de cette ville qui avait été créé par son grand-père. Cette famille paternelle s’était installée à Nancy en 1870 pour rester française suite à la conquête de l’Alsace-Lorraine par les allemands, après le désastre de Sedan.

La mutilation de l’Hexagone a galvanisé le sentiment identitaire. Le judaïsme lorrain et alsacien s’est retrouvé particulièrement affecté par cette perte des provinces de l’EST. Par reconnaissance à l’égard de cette patrie qui les a émancipés, un grand nombre de juifs ont quitté les départements occupés et choisiront de rester français.

Votre père avait épousé une juive de Varsovie contrainte à l’immigration pour pouvoir poursuivre ses études de dentiste, BRUCHA CELNIKIER. En 1941, votre père est contraint de quitter NANCY. Il est interdit d’exercer du fait de la publication des lois de Vichy relatives aux statuts des juifs. C’est Xavier VALLAT, un avocat membre du conseil de l’ordre de Paris, qui avait souhaité une épuration massive des professions libérales, du commerce, de l’artisanat et de l’industrie. Un numerus clausus avait été créé dans les professions libérales avec une série impressionnante de décrets d’application entre juin et décembre 1941. Le nombre de juifs était limité à 2 % dans la médecine, les barreaux, la pharmacie, … et ce programme fut défendu par le Ministre de la Justice, Joseph BARTHELEMY.

C’est donc la fuite.

Ils viennent à Grenoble. Vous y naitrez. Vous allez vivre à VILLARD DE LANS, puis dans un village de l’Ardèche. Les habitants vous cachent et le maire entraine les enfants à bien répondre aux questions qui leur seraient posées. L’anecdote est connue. Lorsque l’on vous interroge sur votre nom, vous répondrez : « Je m’appelle Odette BELLIER ; je m’appelle aussi Edith ROSENTHAL, mais il ne faut pas le dire ».

Votre père est réfugié dans le Vercors. Il est entré immédiatement dans la résistance. Il sera fusillé par les allemands lors de l’assaut de la Grotte de la Luire dans le Vercors en juillet 1944.

Au moment où la République honore, en faisant pénétrer au Panthéon, quatre résistants, symboliquement deux femmes et deux hommes, il faut rappeler constamment ce que furent ces années et ce que fut le courage de certains, le courage – cette vertu du commencement. Il faut constamment faire ces rappels car la lutte n’est pas égale, comme l’écrivait JANKELEVITCH « entre la marée irrésistible de l’oubli qui, à la longue, submerge toute chose et les protestations désespérées mais intermittente de la mémoire. »

Nous avons donc un devoir de mémoire, dur devoir, exigeant devoir, imprescriptible devoir d’être fidèle.

Ainsi, à la fin de la guerre, votre mère – veuve – va vivre quelques temps à Valence avec votre tante. Puis, elle rentrera à Nancy où elle reprendra son activité de dentiste. En 1950, elle se remariera avec le Docteur Paul-André TARTE, médecin généraliste à SAINT-MAX. Celui-ci vous adoptera.

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En 1964, vous êtes donc installée à GRENOBLE avec votre famille, près de Maginot et sa synagogue et c’est à GRENOBLE que vous vous imprégniez de judaïsme.

Lorsque je vous ai demandé qui, particulièrement, vous aimeriez que je cite dans ce discours vous avez immédiatement évoqué les « anciens de Maginot ». Ce sont vos pères spirituels : les Docteurs MOCH et KRIVINE, mais aussi le philosophe et juge Wladimir RABI, Henri BULAWKO et naturellement celui auquel le Cercle Bernard Lazare de GRENOBLE consacrera à un immense colloque qui marquera cette ville, Pierre Mendes France. Chacun d’entre eux vous a manifesté affection, respect, estime et amitié.

Vous allez vous investir au sein de la « Jeunesse Juive de Grenoble » puis, surtout, au sein du Cercle Bernard LAZARE – Grenoble. Celui-ci est particulier par sa place au sein de la communauté grenobloise, par son rapport avec la cité et en considérant l’organisation nationale. Le Cercle est unique dans son genre. Ses objectifs sont clairs : faire connaitre la culture juive, la faire reconnaitre, et ce dans tous ses aspects aussi bien laïcs que traditionnels ; lutter contre l’antisémitisme toujours présent sous des formes diverses ; préserver la mémoire de la shoah ; faire connaitre Israël et le sionisme ; participer à une analyse objective des évènements ; toujours appuyer les processus de paix qu’il s’agisse des accords d’Oslo, de Genève, du dialogue israélo-palestinien au niveau des Etats mais aussi au niveau de la société civile et des individus.

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Vous allez également vous engager dans les années 1970 – dans la défense des juifs d’URSS qui étaient alors interdits d’émigration et notamment à destination d’Israël. Vous créez un cercle de soutien aux juifs d’URSS. Il avait la particularité et la prétention de chercher un appui auprès du Parti Communiste français et du MRAP auprès duquel vous étiez engagée et dont vous aviez permis, avec d’autres, à Grenoble, la renaissance.

Vous contribuez également à la création de la Ligue des Droits de l’Homme.

Vous quitterez le MRAP quand il abandonnera toute référence à l’antisémitisme pour devenir un mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples. Vous vous désengagez de la LDH que vous trouvez parfois trop complaisante à certaines idées mais cela ne vous empêche pas de collaborer, parfois, avec ces deux associations.

Vous avez également milité dans les organisations de parents d’élèves et notamment au Conservatoire.

Vous êtes administratrice de AMAL et du Centre culturel juif et vous essayez toujours de favoriser les associations israéliennes favorables à la paix comme « La Paix maintenant ».

On voit donc vos engagements, votre civisme. Un philosophe d’ABDERE, petite ville d’Asie mineure, DEMOCRITE – profond hédoniste détesté par PLATON – professait qu’il fallait éviter toutes les occasions de trouble ou de déplaisir et ce en se tenant le plus loin possible des affaires publiques et collectives. S’occuper des affaires de la cité, s’investir dans la politique, se préoccuper de la gestion de l’administration, conduisaient – selon lui – indéfectiblement – aux ennuis et aux troubles.
Avec raison, vous avez refusé de l’entendre.

Vous avez été l’initiatrice de manifestations qui vont s’insérer dans la ville avec une activité politique culturelle au sens large du terme. Le judaïsme a toujours été au cœur de ces manifestations mais s’il est vivifié, il ne s’agissait nullement de s’enfermer dans un tropisme communautaire ou d’adopter une forme de judéo-centrisme.

Au travers des débats auxquels vous avez participé, ce sont toutes les questions de société qu’elles soient politiques philosophiques, psychanalytiques, scientifiques ou historiques qui ont été abordées. Tout était occasion pour organiser colloque, séminaire, conférence ou simple réunion. Certaines de ces manifestations ont fait date à Grenoble. Il est impossible de toutes les citer. Mais rappelons quelques-uns des nombreux colloques organisés par le Cercle Bernard Lazare- Grenoble :

  • En 1983 Colloque Maïmonide : « Judaïsme et raison occidentale »
  • En 1989 Colloque consacré à Pierre Mendès France, évoqué précédemment, sur le thème : « La morale en politique »
  • En 1992 Colloque consacré à la France de Vichy ou « Vichy à l’heure allemande »
  • En 1994 « Comment devient-on Dreyfusard ? »
  • En 1999 : « Berlin entre les deux guerres : une symbiose judéo-allemande ? »
  • Puis, un colloque consacré aux frontières : « nouvelles lignes de démarcation, les frontières du Proche-Orient en perspective » co-organisé avec l’Institut de géographie alpine
  • En 2004 Colloque sur « Les juifs dans les Alpes de 38 à 45 : exode, persécution et résistance » organisé avec l’Université Pierre Mendes France, l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, avec la collaboration du CRIF.

Il faut y ajouter les expositions, les conférences, les quinzaines qu’elles soient yiddish ou sépharade, les festivals annuels comme le « Festival des cultures juives » ouvert sur la cité et tous les publics grenoblois. Comme vous êtes amatrice de musique, vous serez l’instigatrice d’une chorale de musique juive dénommée « Diasporim zinger » qui existe depuis 20 ans et associe choristes juifs et non juifs et ce en harmonie.

Pour ce faire, vous n’hésiterez pas à rechercher des partenariats avec, en premier lieu, la Mairie de GRENOBLE, mais aussi les Universités et notamment celle des sciences humaines ou des sciences sociales, le Musée de la Résistance et le Conseil Général, la Maison de la Culture, la Maison du tourisme, les bibliothèques mais aussi certains théâtres comme l’Hexagone ou le Théâtre – Action, le Musée de Grenoble, en particulier avec « Musée en musique ».

On doit pouvoir dire que parmi vos qualités c’est celle d’organisatrice, d’inspiratrice qui est citée régulièrement. On doit également citer votre curiosité. Etre curieux ne signifie pas accumuler du savoir comme on se constitue un capital, pour se forger une image d’érudite, puis en user et en attendre les honneurs. La curiosité est une vertu de femme libre. Elle implique un éveil permanent pour lutter contre les torpeurs, les habitudes, l’inertie. Il faut avoir avec cette curiosité la faculté de toujours surprendre et se laisser surprendre. La curiosité est nécessairement subversive pour tout pouvoir établi.

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Cette curiosité se lie à l’humilité. On vous voit rarement revendiquer ce qui a été fait. Vous privilégiez le collectif. L’humilité est un mot aujourd’hui quasiment absent de notre vocabulaire. Cela souligne le rejet de cette idée, de cette vertu par notre époque. Pourtant KAFKA considérait que l’humilité était dans la racine de l’existence et ajoutait : « on mendie pour faire don de soi-même ».

Vous avez facilité également les rencontres entre les troupes de danse, de théâtre ou de football venues d’Israël composées de jeunes, arabes et juifs israéliens. Certains se souviennent de ce match de football où l’équipe israélienne rencontrait une équipe du quartier Mistral et prenait une sacrée raclée jusqu’au moment où certains joueurs de l’équipe locale ont décidé de jouer avec les israéliens pour équilibrer le match. Miracle du sport !

Les festivals européens de jeunesse ont également été fructueux. Enfin, certains intervenants ont pu, par leur chaleur, leur conscience sociale, éclairer le travail nécessaire et notamment celui des éducateurs. Ainsi, Henri COHEN - SOLAL est souvent venu à Grenoble pour parler de la maison chaleureuse « BAIT HAM » de Jérusalem qui reçoit et réinsère des jeunes en difficulté sociale et psychologique.

Au-delà de cette organisation, de ce dévouement, il y a également cette générosité, vertu du don qui jointe à la douceur rappelle la bonté. Car tous ces conférenciers, ces maitres à penser, ces équipes diverses, finissent souvent chez vous et Daniel. Vous recevez tout le monde, des équipes de jeunes aux philosophes ou politiques comme Bertrand POIROT-DELPECH ou Eli BARNAVI, les interprètes de concert, les conférenciers, et surtout les amis du Cercle.

La valeur de l’amitié est connue. C’est un havre de paix dans un monde de tensions et de rivalités. Elle a le pouvoir de transcender tous clivages sociaux, politiques, cultuels ou culturels. L’amitié est une valeur tellement reconnue, tellement admise qu’il n’est en effet guerre nécessaire d’en faire l’éloge. Jean RENOIR, cinéaste, écrivait : « la plupart des gens étalonnent leur vie à l’échelle des événements. Moi je catalogue ma vie par ami. Chaque période de mon existence a été dominée par la figure d’un ami ». Ce soir, vos amis sont là et nous avons une pensée émue pour d’autres comme Laure FRESNEAU ou Jacqueline FRANCK.

Ils trouvent toujours chez vous une tablée conviviale, généreuse, animée et de qualité. Parfois, vous faites même découvrir à des sépharades comme moi certains plats ashkénazes comme la « carpe farcie ». Mais, sans vouloir entamer une guerre culturelle, je réserve mon avis.

Votre combat se poursuit dans le cadre du dialogue islamo-judaïque ou israélo-palestinien. Ainsi, vous travaillez avec l’Association AMAL dont le président est votre ami Kamel Kadded. Vous avez organisé la venue d’un artiste israélien, Monsieur GREILSAMMER pour une rencontre musicale avec un groupe de musique maghrébine. Il proposait de faire ce concert dans le quartier populaire de la Villeneuve de Grenoble et le faire en partenariat avec d’autres associations. Cela paraissait, pour certains, risqué et dangereux. Vous avez accepté ce défi et avez réussi à mettre en place ce projet. Il avait une portée symbolique. Ainsi, vous avez constitué un réseau fort d’amis permettant de favoriser le dialogue entre les différentes composantes communautaires de notre pays et avancer dans la compréhension et la résolution des conflits.

Chacun s’accorde sur votre capacité d’engagement et de mobilisation. Chacun sait qu’il est temps de vous remercier. Ainsi que le rappelle Claude SAHEL, philosophe : « vous êtes, au cours de toutes ces années, une « belle personne » qui, toujours avec modestie et grande finesse d’esprit, sait faire de votre maison un de ces salons qui rehausse ceux qui les fréquentent et de sa vie un haut lieu d’analyse et de réflexion universaliste et singulière ».

En bref, vous écarterez définitivement cette phrase de WOODY ALLEN : « la seule chose que je regrette, c’est de ne pas être quelqu’un d’autre ».

En dépit de toutes mes recherches et interrogations, je ne vois aucun défaut qui mérite d’être cité.

Ai-je exprimé aujourd’hui, Chère Edith, l’hommage et le témoignage que nous tous présents, physiquement ou en pensée, voulions vous apporter, chacun pour des raisons qui ne sont pas les mêmes que celles des autres mais qui sont toutes à l’unisson ?
J’espère avoir pu vous apporter la reconnaissance et les remerciements de toutes et de tous, et rendre hommage à la grande femme dont les talents ont été mis en lumière par la République.

Je craindrais d’être bavard si je me souvenais de ce mot de Marcel PAGNOL : « Les bavards sont ceux qui vous parlent des autres, les raseurs sont ceux qui vous parlent d’eux-mêmes. Mais ceux qui vous parlent de vous sont de brillants causeurs. »

Edith ABERDAM-ROSENTHAL, au Nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, nous vous faisons Chevalier de l’Ordre National du mérite.

Michel BENICHOU

Intervention de Madame Aberdam

  • A toi, Michel Bénichou, fidèle ami de longue date, merci !
  • Merci à toi, Monique, pour ton initiative grâce à laquelle je reçois aujourd’hui cette distinction. C’est un geste de réelle amitié, mené à bien avec l’acharnement nécessaire …
  • Merci à toi, Michel Destot d’avoir eu l’oreille attentive à Monique, et d’avoir repris à ton compte cette démarche. Merci à toi également d’être parmi nous ce soir, malgré tes multiples occupations
  • Merci à la Ville de Grenoble, à ses élus, à Eric Recoura et son équipe, qui nous ont accueillis avec empressement, à Patricia Detroyat, qui répond toujours présente à nos sollicitations.
  • Merci à ma famille, époux et enfants qui ont supporté mes élucubrations pendant tant d’années
  • Merci à vous tous, mes amis du Cercle Bernard Lazare - Grenoble, sans qui je n’aurais rien pu accomplir : Il était pour moi indispensable de vous côtoyer afin de pouvoir grandir.
    Une pensée particulière pour Jacqueline Frank qui a contribué à façonner l’identité du Cercle.
  • Merci à Bernard Moch de m’avoir introduite auprès du Cercle Bernard Lazare – Paris où j’ai rencontré Henri Bulawko, un "Mensch" à qui Grenoble a rendu hommage en janvier 2013.

Je suis flattée de recevoir cet honneur de la part de la République. J’appartiens en effet à une famille de Juifs « Fous de la République » qui savaient ce qu’ils devaient, en tant que Juifs, à la Laïcité. J’ai grandi dans l’admiration de Daniel Mayer, de Pierre Mendès France. Je n’imaginais pas, petite fille, qu’il me serait donné de les côtoyer …

Je voudrais rendre hommage à ceux qui m’ont accueillis à Grenoble, et qui nous ont quittés, Charles Katz, Bernard Moch, Henri Krivine, la famille Liebert, le rabbin Ignace Kahane, Laure Fresneau, Claude Bresler, François Suchod, Tatou … Ce sont eux qui m’ont permis de faire le lien entre mon ressenti républicain et mon appartenance juive.

Merci à ceux qui son venus de loin, ma fille Delphine, Claude Sahel avec qui nous avons tant de fois refait le monde, David Fuchs, président du Cbl-Paris

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Un Vits, (mot yiddish pour dire une « petite histoire »), un Vits amer :
Quelle était différence entre un optimiste et un pessimiste ?
- Le pessimiste, après tribulations, s’est retrouvé à Manhattan
- L’optimiste, lui, a fini ses jours à Auschwitz.

Moi, j’aurais été optimiste … Toute mon action a été mue par un optimisme « fleur bleue ».
J’ai toujours pensé que je connaîtrais la paix au Proche Orient.
J’ai toujours fait confiance à la République et à la laïcité pour apaiser les tensions,
J’ai toujours voulu que les gens se rencontrent pour dissiper les présupposés et les malentendus.
Mendès France ne disait-il pas : « On ne fait la paix qu’avec ses ennemis » ? C’est pourquoi, nous, association sioniste, avons créé des liens avec l’association France-Palestine-Solidarité.
Cela ne nous a pas empêchés de porter de nombreux projets avec diverses associations de la communauté juive, comme l’AJP, le B’naï Brith et le Centre Culturel juif.

Notre ami Denis Charbit écrit, à propos de la Shoah :
« On distingue en général deux formes de « leçons de l’histoire » :
la première est universaliste et déclare : « plus jamais ça »,
la seconde est particulariste et déclare : « plus jamais ça au peuple juif ».
Attaché à la première, notre Cercle s’est investi dans de nombreuses causes lors de ses quarante années d’existence : Afrique du Sud, Bosnie, Chili, Argentine, et aujourd’hui, l’accueil des demandeurs d’asile …

Je remercie toutes les structures qui nous ont accompagnés,
- les associations AMAL, ASALI, le CREARC, SOS-Racisme, l’Espace 600, le Football Club Mistral
- les institutions, les Bibliothèques, la Maison-de-la-Culture-première-mouture et l’Hexagone avec la complicité de Maurice Jondot

Et merci à vous tous qui êtes venus marquer le coup et boire un coup…

Non seulement je suis fleur bleue, mais rêveuse et nostalgique.
Ma mère était juive polonaise.
On sait l’engagement des Juifs de l’Est dans les luttes sociales et révolutionnaires.
C’est pourquoi j’ai fait une commande très particulière à mes amis … :
Chantez-moi l'Internationale en Yiddish

L'internationale en Yiddish

Edith Aberdam


Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !