Henry Bulawko : Mais nous ont-ils jamais demandé pardon ?

Cahiers Bernard Lazare, Editorial à propos de la libération de Maurice Papon

Reproduit avec l'aimable permission des CAHIERS BERNARD LAZARE n° 228 / octobre 2002.

Un événement vient se placer au centre du débat national : « Papon en liberté surveillée ! ». Au moment où j'écris ces lignes, des rumeurs contradictoires circulent concernant le pourvoi en cassation contre cette décision de justice.

Le « pauvre » Papon, le complice des déportations des Juifs vers les camps de la mort, était présenté par ses avocats de manière à susciter la pitié. Or, au moment de sa sortie de la prison de la Santé, on a constaté qu'il en était sorti vaillamment. Si ses avocats croient pouvoir déclencher une action menant vers la révision du procès, les milieux judiciaires et le Garde des Sceaux s'interrogent sur les effets de la décision prise à son égard.

D'autres procès ont eu lieu en France, ceux de Barbie et de Touvier, mais celui de Papon avait revêtu une dimension particulière étant donné les fonctions officielles qu'il avait occupées après la Libération. Sans entrer dans les détails, on conçoit que la France libérée ne pouvait aller très loin dans l'épuration. Le procès Papon fut exemplaire en ce que l'accusé avait été un haut fonctionnaire sous Vichy et sous la Ve République. La peine de mort étant abolie, Papon ne risquait qu'une peine de prison. Au regard du nombre de témoignages accablants, il ne pouvait échapper au châtiment.

La libération de Papon rend toute son actualité au livre du philosophe Vladimir Jankélévitch, L'Imprescriptible, publié en novembre 1986 au Seuil. L'auteur, après avoir constaté que, pour certains, le temps de l'oubli était venu très rapidement, souligne:

Le pardon ! Mais nous ont-ils jamais demandé pardon ? C'est la détresse et la déréliction du coupable qui seules donneraient un sens et une raison d'être au pardon (...) Le pardon est mort dans les camps de la mort ...

Il ajoute : il faudrait, pour prétendre au pardon, s'avouer coupable.

On a le sentiment de retrouver ici les débats qui ont illustré le procès de Bordeaux.


Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !