Diasporim Zinger : plus qu'une chorale, une expérience de vie

Fania Perez, Diasporiques, n°33, mars 2005

Chorale Diasporim Zinger

Photo Pascal Sortais

Il était une fois...
c'est le plus souvent ainsi que commencent les belles histoires.


Chorale Diasporim Zinger DZ

Il était une fois donc, c'était il y a plus de dix ans, des membres du Cercle Bernard Lazare de Grenoble qui avaient envie de chanter en yiddish. Ils décidèrent de monter une chorale, bientôt rejoints par les membres d'une autre association 1'Association pour un Judaisme Pluraliste. Jean Golgevit, qui dirigeait deux chorales juives, une à Paris, l'autre à Montpellier, accepta de parrainer le projet. Bien... mais il fallait trouver un chef de choeur local. Une des membres du CBL connaissait Yves, le fils de Jakob Markowicz avec lequel elle avait, autrefois, chanté dans la Chorale Universitaire de Grenoble. Elle savait que c'était un excellent musicien... peut-être accepterait-il de diriger la chorale ?

Yves Markowicz

Yves Markowicz est un biologiste qui fait de la musique.. . l'inverse aurait été difficile ! Il fait de la musique depuis l'âge de cinq ans et chante dans des choeurs depuis de nombreuses années. Dans les années 80 il a commencé à diriger différents ensembles vocaux ou choeurs. II chante, avec sa femme, au choeur de chambre du Conservatoire de Grenoble et il vient de monter une chorale d'enfants dans son village.

"Si je dirige Diasporim Zinger, c'est avant tout parce que je suis chef de choeur, et que mon père est juif. Ma mère non, donc, selon les canons, moi non plus. Ma relation à la judéité est quelque chose qui, avant Diasporim Zinger, était très faible. A la maison, pas de religion, pas de sionisme, plus de grands-parents. La judéité se limitait au souvenir des persécutions dont ma famille avait été victime et à la famille (oncle et cousins) en Israël. Donc, ii y a dix ans, je savais que j'étais a moitié juif et ça se limitait à ça. Depuis, j'ai coutume de dire que je suis devenu juif. J'ai intégré petit à petit la culture, j'ai découvert les musiques : ashkénaze, puis sépharade et autres, la littérature. Cela je le dois à mes choristes, et aussi aux deux associations, CBL et AJP. Rien que pour cela, ça valait le coup de vivre cette expérience même si au début je me demandais dans quoi je m'engageais.

Diasporim est une expérience de vie incroyable, unique. Les deux heures de répdtition hebdomadaires, comme les heures passées a harmoniser des chants, sont tout sauf du travail. Il y a quelque chose d'incompréhensible dans cette chorale: des qu'on y met les pieds on y est bien. C'est comme un réservoir d'amitié, de tendresse même, et aussi d'humour. Nos répétitions sont un mélange de tout ça : émotion, amitiés, rires, travail, plaisir, voire thérapie. En dix ans la chorale a beaucoup évolué. Au départ tous les participants ou presque étaient juifs. Les répétitions avaient lieu dans une petite salle de Meylan, ville dont plusieurs choristes étaient originaires. Parfois nous invitions Jean Golgevit à partager un week-end avec nous. Lors de la création de l'association, la préfecture de l'Isère a rejeté le nom Diasporim Zinger et officiellement nous sommes Les chanteurs de l'exil.

La source essentielle de financement est constituée par les cotisations, peu élevées car les frais sont minimes : je dirige bénévolement (je me paie par le plaisir). Depuis plus de quatre ans la Ville de Meylan met gratuitement à notre disposition le magnifique auditorium de la Maison de la Musique, et pour certains projets nous obtenons le soutien financier de la Ville de Grenoble, du département de l'Isère et aussi de nos deux associations amies.

Petit à petit, trois types de choristes nous ont rejoints : les conjoints, quand ils n'étaient pas venus à deux d'emblée; les copains ou les collègues de travail; les personnes rencontrées au gré des concerts, ou au forum des associations de Meylan. Aujourd'hui Diasporim Zinger regroupe une soixantaine de personnes. Les choristes ne sont pas sélectionnés (mais désormais nous demandons aux femmes d'amener un homme), et la plupart d'entre eux sont des non solfégistes, d'où un apprentissage à l'oreille exclusivement. Le répertoire est constitué pour partie de chants (yiddish, judéo-espagnol, hébreux) que j'harmonise pour la chorale, pour partie de partitions glanées de-ci de-là. Le but est de présenter la diversité des traditions culturelles juives.

Nous sommes une chorale juive... pas si juive que ça : environ 50% de non-juifs dans l'effectif (dont une Maghrébine et un Camerounais), mais un répertoire 100% juif ! Il y a quelques années, lors d'une Assemblée Générale de la chorale, les Juifs proposèrent que nous nous définissions comme chorale à répertoire juif plutôt que chorale juive, eu égard à la composition de la chorale (peur du prosélytisme ?) ; les non-juifs disaient qu'il fallait se dire chorale juive, car c'était bien là l'identité de la chorale ! C'était trés touchant.

Il existe une magie humaine dans ce groupe que je ne comprends pas (après tout qu'importe). C'est un endroit magique où on vit une expérience d'amitié instantanée très rare, et cette magie est apparemment ressentie par le public. Partout où nous chantons nous voyons les auditeurs rire et pleurer et, surtout, nous recevons plus que des félicitations, des remerciements. Pour être réalistes disons que nous sommes une petite chorale, qui, certes, progresse au fil des ans et qui essaie de faire de son mieux, mais nous restons de simples amateurs."

Les concerts

Yves Markowicz dit qu'il n'est pas un fou de concerts , qu'il préfère les répétitions au fait de chanter en public "moins de stress, pas moins d'émotion, et tout autant, sinon plus, de qualité ". Mais Diasporim Zinger, de plus en plus sollicité, donne régulièrement des concerts. Avec Foliephonie, qui fédère de nombreuses chorales locales, ils participent à des festivités régionales. Ils répondent aussi aux invitations de différentes associations, ce qui les fait voyager. Ils sont venus à Paris, deux fois, pour des festivals de chorales juives organisés par la chorale Mit A Tam, ont été invités à Milan pour un festival de chorales juives européennes et à Sète pour les commémorations du départ de l'Exodus; à Lyon à la demande du B'nai Brith, à Genève aussi, où ils ont chanté pour la communauté juive libérale.

Pour les membres de Diasporim, après l'émotion partagée, c'est la rencontre avec l'autre qui est importante. L'an dernier ils ont participé à trois concerts particuliêrement significatifs pour eux. Ces concerts furent l'occasion de rencontres avec d'autres musiciens, d'autres cultures. Dans le Vercors, à Autrans, dans le cadre du Festival de la Voix Soliste qui organisait un concert sur le thème de la paix, avec des ensembles chrétien, musulman et juif, puis dans le cadre du festival Gospel Train, avec des chants orthodoxes, musulmans, juifs et du gospel. Le troisième eut lieu à Chambéry, dans le cadre de la quinzaine Bible Ensemble, avec les chantres de la cathédrale et la chorale inter-protestante. Pour conclure ce concert, tous les chanteurs interprétèrent un psaume de Lewandowski

Diasporim Zinger se prépare à fêter dignement son onzième anniversaire (c'est plus original que le dixième). Les festivités auront lieu à Grenoble les 24 et 25 septembre 2005. Mit A Tam de Paris, A Bisele Glik de Montpellier et la chorale Kodesh Vechol Group de Trieste (Italie) sont déjà invités...comme, bien sûr, tous les lecteurs et amis de Diasporiques.

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Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !