Antisionisme primaire (II)

Par la suite, Judith eut d'autres démêlés avec le sionisme. Pendant la guerre, ses parents avaient vécu de troc et de légumes qu'ils faisaient pousser. Après la guerre, il fallut traverser des années de vaches maigres. Judith regardait avec envie les superbes cartables et les somptueuses boites de crayons de couleurs que possédaient certaines filles de sa classe.

- Il faut savoir attendre, disait sa mère.

Chez Judith, on attendait toujours : la fin de la guerre, la fin de la morte saison (ses parents étaient fourreurs), on attendait aussi la fin des temps et l'arrivée du Messie.

Un jour, Judith rentra du lycée, bien décidée à ne plus attendre.
- Mes copines vont au théâtre, ce jeudi. Je veux y aller, moi aussi.
- Trop cher - Morte saison - Plus tard - lui répondit-on.
Judith insista, supplia, pleura, en vain ...

Tout à coup, elle avisa une tirelire bleue et blanche qui trônait sur la cheminée de la salle à manger. On y mettait, de temps à autre, une pièce ou un billet. Deux fois par an, Monsieur Hirsch, un ami de la famille mais surtout un "grand ami d'Israël", venait vider la tirelire et envoyait l'argent "la-bas".

C'est où "la-bas" ? se demandait Judith. Eretz-Israël-qui-n'est-pas-la-Juifie ?

Ce jour là, elle parvint à deux conclusions. Premièrement, elle ne connaissait pas ce pays. Deuxièmement, avec ce que contenait la tirelire on pouvait acheter au moins dix places de théâtre.

Elle s'empara discrètement de la tirelire, lui mit la tête en bas et l'agita énergiquement. Rien ! Elle changea alors de stratégie. Elle déroba une fourchette dans la cuisine, et parvint, avec une grande satisfaction, à extraire un billet.

J'ai l'argent pour le théâtre ! dit-elle, triomphante.
- D'où vient cet argent ? lui demandèrent en choeur tous les membres de la famille.

Judith inventa, s'embrouilla, et finit par tout avouer.
Après un moment de colère, les parents de Judith se dirent qu'après tout, la culture, on ne fait rien de mieux pour les enfants.

C'est donc grâce à un détournement de fonds sionistes que Judith pu voir une adaptation pour la scène des "Mémoires d'un âne" de Madame de Ségur.


Brèves

Notre tradition

Il y a longtemps, dans une synagogue d'Odessa avait lieu un service religieux.
La moitié des présents s'est mise debout, et l'autre moitié est restée assise.
Les assis ont commencé à réclamer que les autres se rassoient, et ceux qui étaient debout ont réclamé que les autres suivent leur exemple...
Le rabbin, qui ne savait pas quoi faire, décida de s'adresser au fondateur de la synagogue, le vieux Moïché. Il invita un représentant de chaque fraction, et ils allèrent tous chez Moïché pour lui demander conseil.
Le représentant des "debout" demanda :
- Être debout pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le représentant des "assis", tout content, demanda :
- Alors, se tenir assis pendant le service – est-ce notre tradition ?
Moïché répondit :
- Non, ce n'est pas notre tradition.
Le rabbin, perplexe, dit :
- Mais... pendant le service, une moitié se met debout et l'autre reste assise, et les querelles s'ensuivent...
- Voilà! - dit le vieux Moïché. - Ça, c'est notre tradition !